Il y a beaucoup de sang dans Trouble every day et quelques scènes dont la violence, la rugosité et l'horreur vont vraiment assez loin, même pour un amateur rompu au cinéma gore comme je le suis. On saisit assez bien tout de suite la pesanteur fatidique du couple Sémeneau ; on voit moins bien ce que vient faire le couple Brown. Et, à dire vrai, on ne comprendra jamais vraiment, jusqu'au bout, ce qui les rapproche, sinon que Brown a jadis travaillé avec Sémeneau et qu'il a été plein de désir pour Coré. Ne pas, donc, attacher beaucoup d'importance au scénario, plutôt médiocre.
Mais voir dans la façon de filmer de Claire Denis un véritable auteur. Je dis cela alors que je la connais mal, n'ayant vu d'elle auparavant que Beau travail, au scénario aussi insuffisant, mais à la qualité filmique aussi incontestable. N'empêche que lorsque vous voyez, au fil des images, arriver des séquences belles, ou inquiétantes, ou dérangeantes, ou malsaines, mais en tous cas impressionnantes, vous vous dites que vous n'avez pas perdu votre soirée.Sur un sujet (le cannibalisme) très casse-gueule, Claire Denis réussit à faire un film des plus intéressants. Le film est malheureusement trop inégal pour être un grand film. Dommage, car il en avait l'envergure.
Parmi les très bonnes choses, on a le personnage incarné par Vincent Gallo. Toute la réflexion sur le cannibalisme, cette pulsion ancestrale et réactivée lors de le sexualité, est psychanalytiquement très juste et bien développé à travers lui. Son combat intérieur pour tenter de réfréner cette pulsion et cette violence est très bien rendu. Claire Denis est aidé par un comédien réellement formidable. Ses scènes sont belles, toutes dans la retenue et l'évocation…
Par contre, toute la partie tournant autour de Béatrice Dalle est bien moins convaincante. Au fond, elle est même ennuyeuse car le personnage est dénué totalement de motivation, si bien qu'on assiste à ses scènes sans pour autant entrer dans sa problématique (inexistante) et sa psychologie (inexistante aussi, car le personnage est totalement "parti"). Il aurait peut-être fallu oser couper toute la partie sur Béatrice Dalle ou la réduire à son minimun et surtout ne pas jouer le montage parallèle…
Le film est tout de même d'un très haut niveau artistique, avec une narration très peu dialoguée et des idées visuelles très riches…
Pour finir, on saluera l'aspect technique du film d'une maîtrise rare pour un film français. La lumière d'Agnès Godard est magnifique avec un travail sur les contrastes, et sur les couleurs (la récurrence du rouge dans toutes les scènes notamment) brillant que renforce sa grande maîtrise du cadre. Le son est d'une clarté appréciable, avec des ambiances et des effets sonores tout en finesse qui contribue à renforcer l'ambiance pesante du film.
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