Revu en dvd dix ans après. C'est un film rude, tant sur le fond que la forme. Les frères Taviani n'ont pas choisi la voie de la facilité, le spectateur est mis à rude épreuve. Il est question d'un combat, humain et social. Mais on final, on a le sentiment d'une oeuvre très réussie, originale et marquante pour le cinéma. Pour les frères Taviani, probablement leur meilleur film. Et chronologiquement parlant, c'est bien à mon sens l'un des derniers chefs d'oeuvre du cinéma italien. On est là dans le registre du pur subjectif, mais à part Aprile, je ne vois pas d'autre film de ce calibre depuis près de quarante ans, dans le cinéma italien.
Ces thèmes sont finement abordés et croisés en mettant en perspective des points de vue contradictoires, via par exemple les pensées des personnages (y compris celles d'une vieille chèvre) exprimées en voix-off… Le style des auteurs (les frères Taviani) est très réaliste, mais intègre une part onirique marquée, et un lyrisme sous contrôle –ce qui ne sera pas toujours le cas par la suite, à mon avis-. Le mélange réussi de ces modes de narration donne à ce récit une forte ampleur émotionnelle -sans emphase- impliquant complètement le spectateur.
Padre padrone témoigne d'une influence et d'un savoir-faire émanant de nombreux cinéastes italiens. Une influence néo-réaliste évidente (on pense à certains films de Roberto Rossellini ou de Visconti –La terre tremble, Rocco et ses frères -par le descriptif minutieux de la gouaille populaire et du mode de vie ancestral, et les rapports au sein d'une fratrie-. Sont palpables également des aspects provenant de certains films engagés de Pasolini des années soixante. Les attitudes (regards, postures) du personnage principal m'ont rappelé par exemple celles de son homologue de Accatone ; l'emploi de la musique classique à contre-emploi (Strauss pour Padre padrone, le concerto en ré mineur de Vivaldi pour Pasolini dans Mamma roma) est une autre ressemblance. Le style relativement clinique et sobre de Padre padrone évoque aussi par moments Salvatore Giuliano ; la "boucle narrative" qui voit la fin comme écho du début du récit -avec un éclairage des idées complémentaire- rappelle ce film de Francesco Rosi. Et sans doute également des ressemblances thématiques et formelles avec le futur Le temps des gitans de Kusturica, par la place accordée à la musique, à la culture autochtone, et par un traitement du sujet n'occultant pas certains aspects sordides du mode de vie de cette population…
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