Je ne serais pas si surpris que ça si j'apprenais que Werner Herzog s'est un peu appuyé, pour réaliser Les nains aussi ont commencé petits sur Zéro de conduite, le pamphlet libertaire réalisé en 1933 par Jean Vigo ; dans ce film de moyen métrage (42 minutes), des collégiens prisonniers d'une stricte discipline se rebellaient contre l'ordre adulte et saccageaient leur école en vomissant le monde adulte.
Bénéficiant de la grande liberté du dernier tiers de siècle (dont n'ont idée aujourd'hui que ceux qui ont mon âge, les presque octogénaires), Werner Herzog présente sans la moindre complaisance des individus tarés tout autant physiquement que moralement et intellectuellement. De sales gens méchants, cruels, dégradants. Et dégradés. Il n'y en a pas un qui rachète l'autre, pas un dans qui pourrait souffler un tout petit peu d'humanité. Il n'y a pas de récit : la racaille assiège la direction de la maison de correction où Pépé (Gerd Gickel), qui semble être le chef des mutins est ligoté pour on ne sait trop quelle faute. Plus le temps avance, plus le groupe hétéroclite des infirmes devient agressif et perd toute notion de la mesure. Si je titre ce message Volupté du chaos, c'est que la folie destructrice m'a fait aussi songer au déferlement des violences qui vient de dévaster notre pays : une volonté de tout casser, de tout salir, de tout profaner. À partir d'un certain seuil, il n'y a plus de limites dans l'abjection, ni respect de quoi que ce soit, ni même respect de soi. Sans doute Werner Herzog a-t-il tenté làd'exorciser le souvenir du dénuement absolu connu dans son enfance, vivant sans eau courante, sans toilettes, sans jouets, sans rien. Il n'a vu sa première voiture qu'à 12 ans, utilisé pour la première fois le téléphone qu'à 17 ans.Le film met mal à l'aise ; il est gênant, déplaisant, choquant ; il fait appel à notre goût pour le voyeurisme, pour la monstruosité, pour l'anormalité. E t de fait, dans notre conscience lisse et bienveillante, il est assez désagréable de constater que les infirmes, les anormaux, les disgraciés sont aussi minables que nous. Tout comme les vieux, les moches, les gros. Ça ramone, n'est-ce pas ?
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