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Avant le barrage


De Impétueux, le 18 mars 2014 à 21:15
Note du film : 4/6

Jean Giono reprend en 1958 le beau titre qu'il avait en 1930 donné à un court texte publié par La Nouvelle revue française où il célébrait le rémouleur, le potier, le flotteur de bois, le fontainier (un peu comme l'a fait Alain Cavalier avec ses 24 portraits), mais de la façon très lyrique de sa première manière.

(En 1958, donc, sur une commande reçue d'EDF qui est en train de construire le barrage de Serre-Ponçon destiné à canaliser la folle Durance et à assurer l'approvisionnement en eau de ces terres rudes et sèches (je le sais : j'en suis et ma tombe de famille est à Château-Arnoux !), Giono écrit et dialogue un film qui sera réalisé par François Villiers. Ce qui est amusant, c'est que l'écrivain prend ici à peu près le contre-pied de ce qu'il avait écrit avant guerre, où il appelait, contre le progrès technique, à l'insurrection générale du monde paysan (Le poids du ciel, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, Recherche de la pureté). Dans L'eau vive les personnages sont bien un peu embêtés de devoir quitter leurs maisons ancestrales et leurs habitudes, mais ils voient aussi dans la construction du barrage bien des avantages et l'occasion de palper les confortables indemnités versées par le constructeur. Renversement de point de vue qui ira d'ailleurs encore plus loin, puisqu'un roman ébauché de Giono, intitulé Dragoon (le nom d'une marque fictive de bulldozers) prévoyait de montrer ces machines et ces installations non plus seulement comme destructrices de l'ordre naturel, mais bien comme incarnant désormais la féerie (notice du roman dans l'édition de La Pléiade).

Comme dans Crésus, deux ans plus tard, la découverte farfelue d'un conteneur plein d'argent déclenchera passions et égoïsmes d'une petite communauté montagnarde jusqu'alors assez paisible, dans L'eau vive la recherche d'un joli magot mis de côté par un riche propriétaire exhibera, après sa mort, les jalousies, haines rentrées et avidités brutales d'une famille rapace, autour de la jeune et jolie héritière Hortense (Pascale Audret).

L'invraisemblable succès de la jolie ritournelle composée par Guy Béart a, d'une certaine façon, nuit au film, qui présente pourtant quelques belles qualités, en premier lieu la beauté de ses décors naturels. Villiers a un réel talent pour filmer les grands espaces, le lit majeur de la Durance avant son assagissement ou les plaines de la Crau (qui fournissent le meilleur foin du monde, soit dit en passant, qui bénéficie d'une appellation contrôlée). Aussi la distribution, très réussie, notamment celle des méchants : on a toujours raison d'employer le visage anguleux de Germaine Kerjean pour jouer les avides austères et la fausse bonhomie de Milly Mathis pour jouer les avides jouisseuses ; Hubert de Lapparent en évangéliste engoncé a la bonne touche d'étrangeté qui convient ; mais la révélation, à mes yeux, c'est Andrée Debar, alors spécialiste de rôles sulfureux (La Garçonne, Le secret du chevalier d'Éon), qui semble n'avoir aucun mal à interpréter la malfaisante cousine, qui est bien prête d'être meurtrière et qui, comme lui dit in fine Hortense trouvera bien toujours un trottoir à Marseille pour l'accueillir.

C'est bien, mais ce n'est pas très bien tout de même. Je ne suis pas sûr, d'abord, que Giono, extraordinaire dialoguiste littéraire mais peu familier de ce métier particulier du cinéma n'aurait pas mieux fait de laisser le dialogue à un professionnel. Puis – et cela est plus embêtant – sans doute poussé par les exigences de la production et du happy end obligé, il ne met pas dans son scénario toute la misanthropie qui aurait pu y être. Et de ce fait, cette âpre histoire d'héritière spoliée se termine en conte de fée. On en est content pour l'excellent Oncle Simon (Charles Blavette) qui va pouvoir demeurer avec ses brebis et sa jolie nièce, mais on n'est pas au niveau des grandes chroniques, Un roi sans divertissement ou Les âmes fortes et de leur fondamental pessimisme…


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De Arca1943, le 7 décembre 2013 à 18:18
Note du film : 6/6

Première impression sommaire, ce film est un véritable trésor, un film avec un cœur gros comme ça, planté dans de spectaculaires paysages naturels. Il lui faut absolument une édition de type "petits plats dans les grands", une restauration minutieuse. La jeune fille aux prises avec la tutelle des rapaces est une sorte d'archétype, cependant tout le contexte de ce village qu'on s'apprête à inonder pour faire sortir la Durance de son lit lui confère un relief extraordinaire. Et mon amour des gros camions est mis à rude épreuve…


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