Ça y est, il est fini, le long congé que j'avais pris du cinéma pour cause de saturation aiguë. J'ai donc remis Sessomatto, que j'avais interrompu il y a quelques mois, dans la machine !
Comme le dit et l'explique très bien Vittorio Caprara dans son bel album (traduit en français) Dino Risi, maître de la comédie italienne, toute comédie à l'italienne est un épisode d'un vaste serial, une variante d'une recette d'art populaire appliquant quelques règles de fer immuables, notamment du côté de la construction de personnages, comme la commedia dell'arte (expression qui, en passant, signifie "comédie du métier" et non "comédie de l'art"). Et c'est le cas même parmi les plus grandes (Le Fanfaron) ou les plus sombres (Bourgeois tout petit, petit) – et ce, quels que soient les efforts surhumains déployés par certains critiques et cinéphiles férus de théories filmiques pour les faire passer pour du "film d'auteur". Car comme le disait à peu près – et fort justement, pour une fois – le penseur Theodor Adorno, aussitôt qu'une nouvelle théorie de l'art surgit, au même moment l'art se débrouille pour mettre en échec cette théorie et en montrer les limites. Or mon genre favori émerge définitivement, les derniers morceaux tombent en place avec Le Pigeon, qui "ouvre les vannes" à la fin des années cinquante, juste comme s'élaborait la "théorie des auteurs" chère aux Cahiers du cinéma, hi hi.
«Il y a les films d'auteur et les films d'équipe, et moi je fais des films d'équipe», confiait Dino Risi à Jean Gili. Même Fruttero et Lucentini, hommes de droite à qui le terme même de "collectif" écorchait les lèvres, n'ont eu d'autre choix que de parler (dans leur magnifique hommage à Furio Scarpelli de La Prédominance du crétin) de «génie collectif».
Sessomatto n'est vraiment pas un grand cru. Mais ce que j'aime dans cette farce de cul, c'est qu'elle est irrécupérable par ceux qui veulent à toute force, puisque ses films sont si bons, faire entrer Risi à coups de mailloche dans une boîte qui ne lui convient pas. Comme Risi l'explique dans la même interview avec Gili, après le cuisant échec commercial de Mordi e fuggi, il devait réparation à son public. Sexe fou est donc un film à sketch illustrant diverses déviations ou obsessions sexuelles de l'homme (Giancarlo Giannini) et de la femme (Laura Antonelli).
Ça ne vole pas haut ? En effet ! C'est le rendez-vous du grivois, du salace, du double-sens pesant. Mais pour une fois, voici un film à sketches où tout est de qualité égale: si vous aimez un sketch, vous aimerez probablement les autres ; sinon, passez votre chemin. Le film nous balade à travers l'Italie: le premier sketch met en scène une milliardaire et son domestique, le second un couple de sous-prolétaires vivant au milieu d'un terrain vague et qu'on soupçonne d'être sado-maso. Il y a un sketch sicilien (dans l'arrière-pays mafieux) et un sketch napolitain.
Surtout très jeune – comme à l'époque de ce film – le jeu comique de Giancarlo Giannini, me semble un peu plus "mécanique", un peu plus "pantin" que celui de ses aînés Gassman-Manfredi-Sordi-Tognazzi. Sa virtuosité transformiste et son sens du timing emportent toutefois l'adhésion et il m'a fait rire aux éclats. Sa partenaire Laura Antonelli n'est pas seulement très accorte mais aussi très drôle. Elle campe des personnages fort contrastés avec beaucoup d'aplomb. Quelle dégringolade sociale, de la milliardaire oisive du premier sketch à la sous-prolétaire bigleuse et enceinte du second !
Si Giannini et Antonelli se taillent la part du lion, ne laissant que la portion congrue à une galerie de faire-valoir, Alberto Lionello a cependant l'occasion de camper un magnifique et très risien personnage de travesti vieillissant dans le plus beau sketch du film, Un Amour difficile.
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