Accueil
Voici les derniers messages de ce forum :

La Mort de Russ Meyer


De Jodel, le 25 septembre 2004 à 02:17
   C'est arrivé le soir du 18 septembre 2004, le réalisateur Russ Meyer est mort. Peu connu du grand public, il a pourtant été le maître de la série B façon Amérique profonde. Traversant les années 60 et 70 avec un culot qu'on imagine mal aujourd'hui, il a produit les plus gros nanars à mi-chemin entre le porno soft et le simple mauvais goût inoffensif (Faster Pussycat! Kill! Kill! – 1965). Car c'est dans un sous-genre très particulier que sévissait Meyer : le film d'action féminin à gros bonnet. Eh oui… ce qu'on retiendra à juste titre de son abondante filmographie c'est ça : un festival de nichons, la saga des roploplos, la java des nénés.    

Oui, Russ Meyer c'était énorme. Une esthétique ronde et imposante qui empêcherait n'importe quel spectateur de décoller les yeux de l'écran ; une composition mammaire qui envahi l'image à chaque instant ; une succession jubilatoire de montagnes Russ. A la vision inoubliable d'un film comme Mégavixens (1976) on est devant l'évidence effarante que deux pauvres minutes de Meyer annulent l'œuvre toute entière de Bergman (Ingmar, parce qu'Ingrid, ça se discute).

Derrière cette outrance laitière à toute épreuve se cachait l'amour sans limite qu'avait le cinéaste pour la Femme. On n'imagine même pas le tableau que représenterait toutes ses généreuses actrices (Erica Gavin, Kitten Natividad ou Shari Eubank), aujourd'hui sexagénaires, défiler en robes noires encore moulantes devant sa tombe. On a simplement du mal à l'imaginer, lui qui n'avait pas d'âge, mourir il y a quelques semaines à 82 ans alors que la démence l'étranglait déjà depuis plusieurs années. Si elle avait la place, Lolo Ferrari se retournerait dans sa tombe.

Maintenant qu'il est mort, faut il prendre son travail au sérieux ? Dans Libération, Gérard Lefort cité plus haut juge sévèrement que "Russ Meyer n'était qu'un gros sale dont les productions crados à douze Kleenex ne se justifient que comme boîte à fantasmes pour ados branleurs". Pourtant ne faut-il pas voir dans ces divertissements gentiment cochons, qui ne versent jamais dans l'érotisme primaire, une recherche perpétuelle du délire au second degré ? le décalage permanent et ludique entre l'action et le contexte ? le burlesque d'une certaine obésité autrefois défendue par Fatty Arbuckle ou Oliver Hardy ? ou même : la première source d'inspiration du décalé John Waters ? Malgré toute cette légèreté assumée, Russ Meyer lui-même prenait son oeuvre très au sérieux, en gardant chez lui jalousement les négatifs de ses films, refusant les éditions DVD dont il n'aurait pas le total contrôle (en France, seules des copies en français tirées de bétacams sont disponibles, car échappant à certains de ses droits de distribution).

Et avant tout on avait affaire à un vrai cinéaste, maîtrisant sa narration, sachant composer un cadre, éliminant impitoyablement le moindre temps mort. Résumer un réalisateur à une paire de tétines est aisé ; mais gardons à l'esprit que c'est aussi le Russ Meyer inconnu de 1944, à peine majeur, qui filmait caméra à l'épaule le débarquement des alliés en Normandie. C'est avec nos rires et nos fantasmes, notre souvenir reconnaissant mais amusé, que Russ Meyer entre dans le saint des seins.

Jodel, le 24 septembre 2004.


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version haut débit

Page générée en 0.0014 s. - 6 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter