Hélas, c'est tout à fait ça. Mais il serait vraiment dommage, cher Jarriq, que tu gardes cette mauvaise impression de Hiroshi Inagaki. Pour le peu que j'en connais – vraiment très peu, il faut bien le dire – je crois qu'une explication de l'échec patent de Machibuse est que le personnage de Yojimbo ne correspond vraiment pas à son univers. Inagaki a dirigé une bonne quinzaine de films avec Toshiro Mifune en samouraï. Mais dans ses films à lui, Mifune est un héros épique, il incarne les vertus militaires et humaines du samouraï selon les canons traditionnels, classiques. Avec Inagaki, c'est pour ainsi dire la « première manière » du personnage de samouraï sur lequel l'infatigable acteur va broder des variations de film en film au long des années 50. Avec Yojimbo, cette persona de samouraï se modifie, le personnage devient plus sardonique et moins vertueux, même si certains traits restent les mêmes (il a toujours mauvais caractère !).

Inagaki est un réalisateur bien plus traditionnel que Kurosawa – plus "hollywoodien" si l'on veut – mais très compétent dans sa partie, qui est par excellence la saga épique. Son film le plus célèbre est le tryptique Miyamoto Musashi, dont le premier volet fut récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger en 1955. Drame épique centré sur un célèbre héros japonais (qui n'a perdu aucun de ses 60 duels !), incarné bien sûr par Mifune : ce genre de superproduction triomphale est tout à fait sa tasse de thé. Certes, il faut jouer le jeu, mais j'ai vraiment adoré ça. J'ai vu ensuite quelques autres Inagaki qui étaient certes très divertissants et bien faits, et toujours avec Mifune, mais pas à la même hauteur selon moi que le grandiose tryptique, avant de tomber en arrêt devant son avant-dernier film, réalisé en 1969, donc juste un an avant le décevant Machibuse.

D'accord en tous points avec l'avis d'Arca…

Le film est déjà bien long, pour un quasi huis clos, mais le plus navrant est le traitement des rôles principaux, changeant de personnalité d'une bobine à l'autre, passant du noble héros au vil mercenaire, du libidineux ivrogne, au "bad guy" héroïque. Que dire des relations amoureuses entre les protagonistes, aussi abruptes qu'absurdes ?

Machibuse est vraiment un drôle de film, empruntant son pitch à La forêt pétrifiée, et n'utilisant pas Mifune viellissant, qui n'a qu'un rôle effacé, sans substance, de "yojimbo" pas bien malin, et même pas spécialement doué au sabre, hormis lors de l'ultime séquence, torchée en dix secondes, où il décime toute une escouade sans ciller.

Comme points positifs, une bonne utilisation du format Scope, de beaux paysages enneigés, et… C'est à peu près tout.

Belle brochette, en tout cas : Mifune, Katsu, Nakamura… je suis !