Absolus mystères de ce qui jette les hommes sur les routes de la découverte et de l'inédit ; comment comprendre ça, comment en saisir les raisons, les cheminements, les contradictions ? Est-ce tout à fait de la même nature que ce sentiment qui a poussé l'homme occidental sur les routes du monde pour aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte ? Je n'en sais rien, d'autant moins que s'il n'y avait eu, à l'origine, ab initio, que des gens comme moi pour s'aventurer hors des gorges d'Olduvai, il y a lieu de parier que l'Humanité serait encore confinée dans le Rift africain…
Au fait Werner Herzog a beau dire, dans le courant du film ou dans un des suppléments du DVD, je ne sais plus, que le but de ce qu'il filme n'est pas de réaliser d e belles images, il ne peut s'empêcher d'en capter de très réussies. Il m'a d'ailleurs semblé qu'il y avait une grande parenté, qui n'est sans doute pas due au hasard entre une des plus impressionnantes séquences de son Nosferatu, celle où Jonathan Harker (Bruno Ganz) quitte le village apeuré pour gagner le domaine du Monstre : dans l'un et l'autre film les architectures musicales troublantes de Popol Vuh (suivies dans le long métrage par le prélude de L'Or du Rhin de Richard Wagner) accompagnent la vision des pics déchiquetés qu'envahissent de lourds nuages ; et dans l'un et l'autre aussi, au milieu es entrelacs chaotiques des rochers bouillonnent de noirs torrents : c'est en tout cas très fort, très porteur de sens comme on dit en jargon et ça montre mieux que quoi que ce soit l'extrême fragilité humaine tout autant que la faculté de l'Homme d'aller au delà de cette fragilité.En 1984, les alpinistes du sud-Tyrol Reinhold Messner et Hans Kammerlander (tous deux germanophones, et de nationalité italienne) décident d’enchaîner l'ascension des pics Gasherbrum I et Gasherbrum II, situés au Pakistan, à l'extrémité du glacier du Baltoro, près du K2. Messner et Kammerlander sont accompagnés dans leur aventure par Werner Herzog et son équipe. Le problème de cet ascension inédite est que les deux sommets en question sont plus hauts et plus éloignés l'un de l'autre que les deux tours de Notre Dame de Paris. Et le temps y est moins clément qu'à Paris… Il ne reste alors -ce qui ne manquera pas de susciter des cris d'effroi à notre collaboratrice Nadine Mouk- plus que quatre orteils à Messner, sur ses deux pieds réunis. Outre ses doigts de pieds, Messner a vu disparaître en montagne, au cours des années précédentes, son frère et plusieurs de ses amis. La quête s'annonce donc périlleuse…
Ce documentaire est exceptionnellement bien fait. 45 minutes d'une forte densité d'images et de sons. Quelques notes de musique (épatante musique planante de Popol Vuh), quelques images (contre-plongée sur le sommet enneigé et venté) suffisent en quelques secondes à positionner Gasherbrum, la montagne lumineuse dans les très hautes sphères de la création cinématographique. L'exploit sportif n'y occupe pas le devant de la scène. Herzog s'intéresse à la psychologie des deux alpinistes, à leurs motivations, aux moyens physiques et mentaux mis en oeuvre. Une volonté de se sortir d'une condition sociale modeste (fermier de montagne) anime Kammerlander. Une quête artistique et de domination des éléments du cosmos pour Messner, quête menée sans esprit grandiloquent, avec une simplicité désarmante. Par la magie du cinéma, sublimés par Herzog, Messner et Kammerlander acquièrent le statut de personnages iconiques.
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