J'oublie ma bile noire et reviens au film, qui est magnifique. D'abord parce qu'il est, pour son époque de tournage, extrêmement original. Déjà il est féroce, brutal, sans pudeur : la tuerie des malheureux prisonniers de la citadelle de Chukoti, capturés par fourberie, est d'une violence rare : femmes et enfants sont massacrés sans aucune pitié et Curtiz ne s'interdit pas, tout à fait à raison, de montrer la dépouille sanglante de Prema, charmant petit garçon indigène (Scotty Beckett) et de sa mère. Il n'est pas si fréquent que ces réalités soient montrées aussi crûment.
Puis parce que s'entrecroisent, s'entrelient avec beaucoup de finesse les développements diplomatiques et militaires qu'aboutissent aux scènes de bataille et l'histoire personnelle du commandant Geoffrey Vickers (Errol Flynn) dont la fiancée Elsa Campbell (Olivia de Havilland) préfère le frère Perry (Patric Knowles). Je n'ai pas vraiment souvenir que le principal interprète et héros flamboyant d'un film rencontre de tels mécomptes. D'autant – et c'est sûrement là une des grandes faiblesses du film – que ce frère est d'une si totale insignifiance qu'on ne peut pas comprendre une seconde que la gracieuse Elsa puisse le préférer à son aîné, autrement plus séduisant. Le film est d'une très belle tenue, doté de moyens exceptionnels et magnifiquement réalisé. Les scènes de bataille sont superbes : escarmouche dans le désert, assaut et défense de la citadelle de Chukoti et, bien entendu, charge de Baklava, geste fou qui ne se comprend qu'à la lumière de la volonté de vengeance des hommes de la 17ème brigade légère sur les traîtres de Surat Kahn (Henry C. Gordon) qui ont tué sans pitié leurs frères d'armes, leurs femmes et leurs enfants.Et si on ne peut pas comprendre ça, c'est qu'on est bien près de renoncer à tout.
Et surtout La charge fantastique qui sur un sujet quasi-identique, avec les mêmes acteurs principaux, transforme des lieux communs et une vision un peu simpliste de l'histoire en un portrait mémorable d'un personnage hors-norme. Deux films à visionner en parallèle, pour mesurer les limites de l'un et les énormes qualités de l'autre.
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