Stefano Vanzina, dit Steno, est le scénariste et réalisateur de Société anonyme anti-crime réalisé en 1972 dans le contexte des "années de plomb" d'une Italie alors en proie à de conflits sociaux et politiques, virulents et sanguinaires. Polar âpre, sombre et violent, mais surtout une réussite cinématographique du à un alliage parfait de différents éléments d'écriture. La mise en scène, nerveuse, usant de plans courts, porte une réflexion sur la police et la justice. Les scènes d'action, avec des personnages en conflit permanent, matérialisent ce sujet de façon dynamique et palpable. La musique sourde qui se greffe à des dialogues percutants, crée une situation d'apesanteur, conférant à ce récit une dimension semi-fantastique, avec un brouillage des repères temporels habituels.

Les décors nocturnes (Rome vu en noir et bleu foncé), les terrains vagues situés autour de Rome, accentuent cet aspect décalé et étrange. L'utilisation des extérieurs de l'aéroport est par exemple admirable : on se situe hors d'un territoire codifié par des règles économiques et sociales bien connues. Autre aspect particulièrement réussi : la vie privée des personnages évoquée en quelques traits, on ne s'appesantit pas sur des aspects inutiles au sujet central, et pourtant ces personnages possèdent une épaisseur. La direction d'acteurs est également admirable (Mario Adorf, en substitut du procureur, par exemple) Ce film, très peu connu, mérite largement d'être redécouvert : un chef d'oeuvre oublié comme il en existe tant, en particulier au sein du cinéma italien des années 1960-70.

…pour ce polar-ci, réalisé par Steno, avec Mariangela Melato. Notons que Cyril Cusack, Mario Adorf et Franco Fabrizi sont de l'aventure, eux qui tournaient la même année dans L'Empire du crime (quel titre, quand même). Ils sont peut-être devenus copains, à force. J'ai entendu parler de La polizia ringrazia comme d'un autre épisode – dans la catégorie "moyen à bon" – de la saga politico-policière all'italiana des années 70. Et remarquons enfin que Steno s'est pris au sérieux pour ce film : sur l'affiche ci-dessous, on voit qu'il signe de son vrai nom, Stefano Vanzina.