Heu, les gardiens de la révolution n'ont pas rendu la ceinture de sécurité obligatoire ?
Ainsi, à quelques rares exceptions près (notamment le point de vue sur la prostituée qui s'éloigne), les deux caméras du film sont posées à l'avant de la voiture (unique décor du film), l'une tournée vers le passager, l'autre vers la conductrice. Pas de lumière rajoutée, pas d'équipe technique autour et surtout : pas de présence du réalisateur qui ne découvre le résultat qu'après la ballade de plusieurs dizaines de minutes de la voiture.
La direction des comédiens est elle aussi réduite au minimum. Les deux comédiens reçoivent des indications (séparément et à l'insu l'un de l'autre) très sommaires sur leur personnage, sur quelques dialogues à dire, et c'est tout. Tout le reste est improvisation. Dans le même souci de réduire au maximum la mise en scène, Abbas Kiarostami ne fait pas de seconde prise juste après la première. Il attend plusieurs semaines pour faire rejouer la scène, afin de retrouver la fraicheur et le naturel de ses comédiens.
Le résultat est sidérant. Certes, le film est long, il faut fournir un effort pour y entrer et y adhérer. Le réalisateur semble d'ailleurs le savoir, car il agrémente le film d'un compte à rebours (qui permet de nous rappeler qu'on approche de la fin et qu'il faut encore s'accrocher) et les parties, elles aussi, sont de plus en plus courtes. Mais une fois qu'on entre dans cet univers, on assiste à une expérience (voire une expérimentation) de cinéma. On sent l'absence de mise en scène, on sait qu'il n'y a pas d'histoire à proprement parler, seulement à partir d'un moment, un thème majeur apparaît, s'extrait de tout ce flot de paroles : les femmes dans la société irannienne.Il y a l'héroïne bien sûr, celle qui tente de mener sa barque (ici sa voiture) au milieu de la ville, qui est divorcée, qui travaille, qui n'a pas la garde de son enfant. Elle représente bien évidemment la modernité. Ensuite il y a les amies qui représentent la tradition : celle, par exemple, qui s'est mise à prier, non par croyance en Dieu, mais parce qu'elle aimerait bien que certains de ses rêves s'accomplissent. Il y a aussi celle qui est hors de la société (du moins apparemment) ; une prostituée… Seul non-femme : le fils. Personnage finalement terrible et qui incarne la vision pessimiste du réalisateur : on sent qu'il deviendra finalement comme son père, qu'il souhaitera avoir une femme à la maison, qui ne travaille pas et qui passera son temps à lui préparer à manger…
Mais le plus fort, c'est que toute cette histoire n'est pas visible d'une manière frontale. Le spectateur doit fournir un effort pour isoler les thèmes et découvrir ce que tout cela veut dire. Il fait un peu une auto-psychanalyse : qu'est-ce que je vois, qu'est-ce que je ressens, et finalement, qu'est-ce que tout cela veut dire. Pas de violence dramatique dans le film, pas de retournement de situation ou autres " violences " créées finalement par la main du dieu Réalisateur. Non, rien de tel. Ce serait plutôt la lenteur et la douceur d'une photo qui se révèle dans le bain du photographe…
Etonnant.
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