John Harrington (Stephen Forsyth) est le directeur d'une maison de couture spécialisée dans les robes de mariée. Mais il est schizophrène, hanté par le souvenir de sa mère castratrice morte de sa nuit de noces, et ses pulsions meurtrières le poussent à tuer les jeunes mariées avec un hachoir…

Coproduction italo-espagnole sortie en 1970, Une hache pour la lune de miel est sans doute l'un des films les plus personnels et les plus originaux de Mario Bava.

Il ne pourrait s'agir que d'un banal giallo, courant cinématographique dont Bava a été le père fondateur au début des années 1960, mais la narration va à l'encontre des codes du genre puisqu'on sait dès le début qui est le tueur. Mieux encore, le réalisateur choisit d'adopter le point de vue de l'assassin, qui avoue d'emblée au spectateur qu'il est "complètement fou". Le film ne repose pas sur un mystère policier traditionnel mais sur un suspens psychanalytique puisque le personnage va chercher à savoir quelles sont les causes de la folie meurtrière qui le pousse à s'en prendre aux jeunes mariées . Sans révéler davantage d'éléments du scénario, précisons que dans sa deuxième moitié, Une hache pour la lune de miel bascule dans le fantastique. D'une manière générale, Bava se plait à bousculer, 85 minutes durant, les limites entre rêve et réalité comme il l'avait déjà fait avec Le corps et le fouet.

Une hache pour la lune de miel témoigne des obsessions récurrentes de Mario Bava: ainsi, les meurtres à l'arme blanche, la présence importante de mannequins ou les hallucinations du personnage principal… Le réalisateur verse même dans l'auto-citation: la maison de couture dans laquelle travaille le héros fait penser à celle de Six femmes pour l'assassin et la télévision passe un extrait de Les trois visages de la peur.

Visuellement, c'est du Bava des grands jours. La photo, où prédomine la couleur rouge qui donne son titre italien au film, Il Rosso segno della follia, est très belle. Les plans sont stylisés selon des angles atypiques et restituent l'univers mental pour le moins perturbé du personnage principal. De nombreux mouvements de caméra s'avèrent remarquables, notamment un travelling qui se termine dans la chambre secrète du héros et se poursuit dans un autre lieu où l'on assiste à une séance de spiritisme. Les zooms sont utilisés plus parcimonieusement que dans les autres Bava de la même époque. Le montage est également très étudié dans sa façon de faire un lien entre les meurtres que commet le héros et le traumatisme originel dont il souffre. Signalons que le film est assez prude et assez peu gore: cela vient sans doute du fait que le tournage a eu lieu en Espagne et que la censure de ce pays n'aurait sans doute pas toléré les excès auxquels nous assisterons dans La baie sanglante.

Pour toutes ces raisons, Une hache pour la lune de miel est susceptible de captiver quiconque aime le cinéma de Bava. Néanmoins certains défauts de scénario et d'interprétation, récurrents chez le cinéaste, peuvent rebuter certains spectateurs. D'une part, l'acteur principal Stephen Forsyth, un beau gosse inexpressif, qui ressemble au John Phillip Law de Diabolik, mais s'avère quelque peu impuissant à restituer la profondeur psychologique du rôle qu'il incarne. On retrouve en revanche avec bonheur Laura Betti, égérie de Pasolini et Bertolucci , très convaincante dans la peau d'une épouse castratrice. D'autre part, l'absence de suspense et l'aspect déstructuré du scénario peuvent désorienter certains spectateurs. Nous sommes ici plus proches du Bunuel de La vie criminelle d'Archibald de la Cruz que du giallo traditionnel.

Une hache pour la lune de miel est une oeuvre passionnante mais ce n'est pas forcément la plus facile d'accès pour quiconque aimerait découvrir le cinéma de Mario Bava.