Forum - Zorba le grec - Zorba
Accueil
Forum : Zorba le grec

Sujet : Zorba


De Jarriq, le 23 décembre 2003 à 12:49
Note du film : 5/6

Enfin ! Le chef-d'oeuvre de Cacoyanis et le rôle le plus emblématique de Quinn en DVD ! Le film n'a pas vieilli (à part le regret du tournage en noir & blanc, dans les sublimes paysages grecs) et sa portée philosophique est toujours euphorisante.

Espérons une qualité d'image rendant hommage à ce bijou des sixties.


Répondre

De DelaNuit, le 23 juillet 2015 à 10:51
Note du film : 6/6

Zorba le grec est ressorti sur les écrans de cinéma cette année. Etait-ce prémédité en cette période où le problème grec fait la une des journaux, ou bien pur hasard ?

Le film est une adaptation assez libre par Michael Cacoyannis (déjà réalisateur d’Electre et de Stella) d’un fameux roman de Kazantzakis intitulé « Alexis Zorba ». C’est l’histoire de Basil, un jeune homme plutôt coincé d’origine grecque mais élevé en Angleterre (Alan Bates, tout en retenue), qui vient s’établir en Crête pour y exploiter une mine héritée de son père. Chemin faisant, alors qu’une tempête retient son bateau au Pirée, il rencontre un vieux faune nommé Zorba (Anthony Quinn, complètement habité par son rôle) dont l’apparence ne paie pas de mine, mais qui semble porter en lui toute l’énergie vitale et la part de folie de Pan et Dionysos réunis.

A la fois fasciné et effrayé par le personnage, Basil accepte contre toute attente d’en faire son compagnon et de l’emmener en Crête, d’autant que Zorba semble posséder quelque expérience dans l’exploitation minière. Les voici confrontés non seulement à l’aridité et à la désolation du paysage mais aussi à la pauvreté et à l’intolérance des villageois, fiers mais on ne peut plus frustes, du coin perdu où ils atterrissent. C’est peu dire que le réalisateur n’a pas cherché à profiter de la photogénie et des attraits culturels ou touristiques de la Grèce et de la Crête ! D’ailleurs le noir et blanc du film renvoie davantage à l’âpreté du néo-réalisme italien plutôt qu’aux dépliants touristiques façon Ombres sous la mer (The boy on the dolphin, dont on attend ceci dit toujours la sortie dvd).

Les deux personnages principaux sont antinomiques et donc complémentaires. Le jeune homme, extrêmement timoré, vit dans ses livres, qui de son propre aveu ne lui enseignent pas une sagesse permettant d’affronter les difficultés de l’existence mais bercent son propre mal-être. La plupart du temps incapable d’agir et de réagir, il sert de narrateur et s’efface derrière son compagnon Zorba, force païenne de la nature au jaillissement irrépressible qui respecte la vie sans jugement et gère ses propres souffrances par une danse tenant des galopades faunesques et de la transe bachique. Dans un rapport qui rappelle les amitiés particulières de l’accompagnement initiatique des éphèbes grecs antiques par leurs aînés, Zorba lui sert une sagesse pragmatique pour le faire progresser… Une sagesse où la part de folie nécessaire tient son rôle (il faut dire qu’au panthéon de l’ancienne Grèce, Dionysos et ses débordements avaient leur place au panthéon au même titre que la sage et rationnelle Athéna).

Les autochtones ne semblent au début pas bien méchants mais s’avèrent finalement irrécupérables dans leur barbarie, leur jalousie et leur haine de tout ce qui sort du cadre étroit de leurs préjugés, à l’exception des deux superbes figures féminines qui accueillent avec bienveillance Zorba et son jeune patron, et leur offrent leurs charmes. Madame Hortense, surnommée Bouboulina, vieille excentrique pomponnée, ancienne courtisane vivant parmi ses fanfreluches et ses souvenirs, prétend avoir autrefois sauvé la Crête de la destruction grâce à ses liens charnels avec les amiraux dont les navires encerclaient l’île. Les villageois la tolèrent mais la méprisent puisqu’elle est une étrangère, bien qu’installée depuis des décennies. Son interprète Lila Kedrova a remporté un oscar pour sa composition. Simone Signoret devait tenir le rôle mais quitta vite le tournage, ne supportant pas dit-on de se voir ainsi enlaidie pour le rôle. L’autre figure féminine est celle de la jeune veuve interprétée par Irène Papas, beauté sévère sortie d’une tragédie grecque (elle fut Electre ainsi que Pénélope dans L’odyssée, et son fatal destin dans ce film rejoint celui de la prêtresse de la déesse de l’amour interprétée par Lana Turner dans Le fils prodigue ou la femme philosophe Hypatia d’Agora, grossissant les rangs des femmes payant de leur vie le fait d'avoir été trop belles, trop fortes et trop libres). Toutes deux seront victimes de l’intolérance haineuse et du machisme ambiant. Elles sont chacune à leur manière belles et émouvantes, parce que comme le dit Zorba, si les hommes sont cruels, elles savent donner et se donner.

A l’opposé, les moines se montrent aussi frustes que leurs ouailles, superstitieux et même ridicules. Leurs sombres figures mortifères sont à l’opposé de celle de Zorba pour qui l’amour et le respect de la vie l’emportent sur les dogmes et les rituels. Heureusement que l’exubérant Zorba est là pour ouvrir le jeune Basil à la vie, pour accompagner Hortense vers son dernier sommeil et se dresser entre la victime sacrificielle et son bourreau. Lui, le représentant d’une vitalité païenne dont l’apparence faunesque effraie les moines qui le prennent pour le diable, s’avère finalement le seul homme de cette histoire capable de donner du véritable amour.

Malgré les catastrophes suscitées par le personnage (dont le spectaculaire échec du téléphérique installé à flanc de colline pour permettre l’exploitation de la mine), cet élan de vie est passé à la postérité grâce à la musique de Mikis Theodorakis, dont la fameuse « danse de Zorba » fut un grand succès dans les années 60 et demeure une des plus célèbres bandes originales de films de tous les temps. Et pourtant, ce « sirtaki » devenu la musique grecque la plus célèbre au monde fut inventé pour le film !

Certains jouent aujourd’hui les Cassandre en nous prédisant que la Grèce, insuffisamment organisée et disciplinée, réserve à l’Europe encore bien des catastrophes. C’est que l’aspect faunesque, « panique » et dionysiaque qui fait aussi partie de sa nature profonde ne saurait être contenu par le cartésianisme et le rigorisme de ses partenaires européens, pas plus qu’ils ne l’ont été par les dogmes religieux. Faut-il regretter ou se réjouir que tout le monde n’entre pas dans le même cadre ? A chacun ses idées ! Pour ma part, si la Grèce a incontestablement ses défauts, j’aime aussi ses bons côtés et la danse de Zorba en fait partie. M’est avis que plus d’un politicien, économiste, financier, et même plus d’un religieux, ferait bien de desserrer sa cravate et se mettre au sirtaki pour réconcilier son esprit et son corps, apprendre la souplesse en plus de l’amour de la vie, et qu’on ne peut rien construire de solide sans d’abord tenir compte de l’humain dans sa diversité.


Répondre

De Impétueux, le 23 juillet 2015 à 17:32

Je n'ai jamais vu le film de Cacoyannis, trop agacé que j'étais, à l'époque de sa sortie, par la ritournelle à quoi vous faites allusion… Puis Zorba le Grec a disparu des écrans pendant longtemps… Mais votre long avis intéressant, DelaNuit me donne envie d'aller voir de ce côté-là !

Et puis mille fois d'accord avec votre dernier paragraphe… quand on sait ce que le Monde doit à la Grèce !!! et quand vous écrivez les Cassandre (nous prédisent que) la Grèce, insuffisamment organisée et disciplinée, réserve à l’Europe encore bien des catastrophes, j'ai plutôt envie de retourner la phrase et d'affirmer que c'est l'Europe qui a réservé ces catastrophes-là à la terre d'Homère, de Sophocle, de Périclès et de Platon…


Répondre

De Arca1943, le 23 juillet 2015 à 18:58

Je garde un souvenir de Zorba le Grec bien trop vague pour lui mettre une note – c'est un souvenir d'enfance, en fait ! -, mais il s'agit d'un film plutôt à part dans la filmographie de son réalisateur Cacoyannis, dont la première spécialité est l'adaptation à l'écran des grands classiques grecs. J'en ai vu deux de cette veine-là ; et si Les Troyennes est un bon film qui reste par moments assez théâtral (tout en l'étant moins qu'on pourrait le craindre) et frappe surtout par l'extraordinaire carré de dames réuni pour l'occasion – Katharine Hepburn, Irène Papas, Vanessa Redgrave et Geneviève Bujold ! – le suivant, Iphigénie (1977), à nouveau avec Irène Papas à son meilleur (bien qu'elle se fasse presque voler l'écran par la très talentueuse jeune interprète du rôle éponyme!), est selon moi un authentique chef-d’œuvre, d'une étonnante fluidité cinématographique et à ne manquer sous aucun prétexte !


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version haut débit

Page générée en 0.0048 s. - 5 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter