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Sujet : Mythique


De vincentp, le 13 octobre 2007 à 18:50
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Beaucoup a été dit sur ce film mythique, réalisé en 1926, notamment par Lotte Eisner, biographe attitrée de Fritz Lang.

Revoir Metropolis aujourd'hui, c'est peut-être tout d'abord prendre conscience de son aspect fondateur, sur un plan visuel et narratif de ce qui est constitutif de la Science-fiction. Le robot fou qui perd son enveloppe humaine inspire ce bon vieux Terminator, le savant à lunettes et les décors futuristes reprennent du service dans Blade Runner, certains plans d'ensemble de la cité, ainsi que des courses poursuites haletantes évoquent AlienLe seigneur des anneaux y trouve également sans doute une part de son inspiration : le mal, les ténèbres…

Mais Métropolis peut être aussi regardé comme un combat étonnant entre des forces qui se déploient de façon verticale et d'autres de façon horizontale. La rencontre entre les deux générant un chaos illimité.

Les lignes verticales représentent de toute évidence la pensée, la science, la technologie. Elles sont généralement au centre de l'image (ainsi, un escalier, un thermomètre, un personnage érudit). Souvent ces lignes sont décomposées en trois lignes verticales parallèles. Elles sont mouvantes (tel le mercure du thermomètre, tels les pistons de la machine). Les mouvements sont lents, mesurés, répétitifs.

Face à elles, des masses ou des lignes horizontales qui se déploient à vive allure, et qui les heurtent violemment. Ces lignes horizontales (mouvements de foule sur des passerelles,… ) incarnent sans doute possible le côté primaire et incontournable de l'humanité.

Ce téléscopage génère le chaos dans la société. La science doit être maitrisée et placée au service de l'humanité, nous fait comprendre l'auteur. Quel doit en être le catalyseur ? Selon Fritz Lang et son scénariste Théa Von Harbou : "le coeur servira de médiateur entre le bras et le cerveau" (propos conclusif). L'image sur lequel se greffe cette phrase est celle de trois personnages emblématiques qui se serrent les mains, de façon précautionneuse.

Verticalité et horizontalité se sont rejointes in extremis pour composer une nouvelle figure, celle de la concorde.


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De urspoller, le 13 octobre 2007 à 19:44
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Selon Fritz Lang et son scénariste Théa Von Harbou : mettez plutôt sa scénariste puisque Théa Von Harbou était sa femme à la ville avant que leurs opinions divergent complètement à la montée du nazisme. Néanmoins, je me félicite, cher vincentp, des propos élogieux, laudatifs et parfaitement mérités de votre glose. Malheureusement, je ne peux, faute de temps, m'attarder à louer ce formidable métrage, demi-finale de rugby chez mon frangin oblige, mais je vous encourage à poursuivre votre analyse de cette filmographie exptionnelle de Fritz Lang. Bravo à vous!


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De Gaulhenrix, le 13 octobre 2007 à 20:17

Une analyse, vincentp, qui s'accorde de la plus belle des façons à ce film hors du commun. Je salue votre texte comme éminemment stimulant et fécond : bravo !


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De Frydman Charles, le 13 février 2010 à 20:36

J'ai lu plusieurs interprétations de l'étoile que l'on voit sur la porte de Rotwang ou au dessus du robot. Elle aurait inspiré l'étoile jaune des nazis. Mais à regarder de près le film il semble que ce soit plutôt le pentagramme de la magie. Bénéfique si la pointe est dirigée vers le haut ou maléfique avec la pointe vers le bas. On ne voit souvent que la partie haute ou basse de l'étoile, et par extrapolation on pense voir une étoile à 6 branches. Mais la pente des branches fait plutôt penser à un pentacle. A noter une horloge décimale avec 10 heures au lieu de 12 heures !!! Le partage du cadran ainsi imaginé n'est pas très judicieux, et Fritz lang n'avait pas imaginé les horloges digitales du 21ème siècle !!!


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De DelaNuit, le 14 février 2010 à 17:56
Note du film : 5/6

Je pense également qu'il s'agit d'un pentacle magique, la science n'étant alors considérée à travers cette imagerie que comme une forme technique aboutie de magie ou de sorcellerie…

Ce symbole nous renvoie à une vision dualiste des choses, comme le pentacle lui même, selon que sa pointe est en haut ou en bas : magie blanche héritée de Vénus / Astarté, étoile/déesse de l'amour contre magie noire héritée d'Astaroth l'étoile du mal, femme (Brigitte Helm) humaine capable de sentiments et de compassion contre robot déshumanisé et trompeur maquillé en femme, monde idyllique des nantis en haut des tours, contre monde souterrain des ouvriers-esclaves… et au final une réflexion intemporelle sur la science… bénéfique ou maléfique pour l'homme…


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De Norman Bates, le 6 avril 2016 à 21:08
Note du film : 5/6

Vu pour la première fois cette semaine, je suis resté épaté par la prouesse technique de Fritz Lang. 90 ans plus tard, on parlerait de blockbuster tant la scène finale aurait pu inspirer n'importe quel film catastrophe du type Independance day: des litres d'eau déversés dans la cité ouvrière, des figurants en nombre important et des effets spéciaux révolutionnaires pour l'époque.

J'ai relevé plus haut, dans le fil de la discussion, les différentes références au film dans le cinéma contemporain, je rajouterai le personnage du Docteur Emmett Brown interprété par Christopher Lloyd dans retour vers le futur dont la ressemblance physique avec le savant Rotwang est saisissante.

A noter enfin que j'ai eu la chance de voir le film dans sa version restaurée à partir d'une bobine retrouvée en 2008 à Buenos Aires: certaines scènes ont ainsi été ajoutées dans une qualité parfois médiocre le marquant un peu plus du sceau de l'Histoire ce qui nous rappelle que le film a été inscrit au Registre de la Mémoire du Monde de l'UNESCO…. comment faire plus culte?


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De Impétueux, le 22 juillet 2022 à 15:34
Note du film : 5/6

Voilà un des films presque mythiques de l'histoire du cinéma que je n'avais jamais vus et que je viens de découvrir. Découvrir comme lorsque, impressionné, on vient rendre hommage au Colisée, au Parthénon, à Sainte Sophie, à Notre-Dame en se demandant pourquoi et comment on a attendu si longtemps avant de se mettre dans le souffle de ses merveilles. Qu'est-ce qui me reste à voir ? Naissance d'une Nation et Intolérance de E.W.Griffith, Folies de femmes et Les rapaces d'Erich von Stroheim, Un chien andalou et L'âge d'or de Luis Bunuel, Dracula de Tod Browning… C'est à peu près tout, il me semble.

Fritz Lang est d'ailleurs loin de m'être inconnu et j'ai déjà regardé – diversement apprécié – beaucoup de son œuvre muette : des trucs souvent intéressants mis toujours interminables : Docteur Mabuse (1922), près de cinq heures en deux parties, les Nibelungen (1924), à peu près la même durée en deux épisodes aussi, Les espions (1928), trois heures, La femme sur la lune (1929) trois heures trente. Il faudra l'exil aux États-Unis pour limiter un peu ses expansions : Le secret derrière la porte, (1948)], House by the river (1949) atteignent à peine les 90 minutes. Même chose lorsque, revenu dans la vieille Europe il tourne les merveilleux Contrebandiers de Moonfleet (1954) en 84 minutes et en à pleine davantage Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou qui sont parmi les plus beaux films d'aventure qui se puissent.

Metropolis, qui fut épouvantablement charcuté par producteurs et distributeurs, a aujourd'hui, grâce à de patients travaux de recherche, retrouvé à peu près son découpage et sa longueur initiaux. Mais ça fait tout de même plus de deux heures et demie de film, ce qui est long, d'autant que l'absence de dialogues inhérente au cinéma muet pèse lourdement, malgré l'abondance des cartons explicatifs : on a le sentiment que Fritz Lang aurait pu lui-même grappiller une minute par ci, deux minutes par là pour rendre plus dense et plus nerveux son film.

Il paraît que Luis Bunuel jugeait le scénario de Metropolis tout à la fois trivial, ampoulé et pédant. Et il est vrai que, même si l'on apprécie les récits pleins de frénésie et de violence qui ont fait le succès des séries feuilletonesques, de Fantômas au Docteur Mabuse, on tombe là dans une assez pénible caricature, aux relents, d'ailleurs, curieusement nationaux-socialistes. Enfin pas si curieusement que cela puisque le film est une adaptation d'un roman de Théa von Harbou, alors femme de Fritz Lang qui demeura fidèle à l'hitlérisme jusqu'à sa mort. Et il faut bien accepter que la plupart des acteurs du film se sont sagement conduits – du point de vue allemand – jusqu'à la défaite du Reich, à l'exception d'Eugene Schüfftan, maître des remarquables effets spéciaux du film.

Mais si Bunuel se gaussait à raison du prêchi-prêcha emphatique du film, il jugeait aussi son fond photogénique admirable et le qualifiait de merveilleux livres d'images. Il avait évidemment absolument raison sur ce point. Presque à tout moment le spectateur est bluffé par la grandeur, la puissance, la force des décors et des mouvements de foule. Il y a quelque chose de grandiose dans la description de ce monde glaçant où la pauvre humanité est divisée en deux catégories : les pauvres, accablés de travail, écrasés de fatigue, si soumis qu'ils marchent à grand peine et gardent continuellement leurs têtes baissées et les riches qui vivent à la surface de la ville qui jouent, flirtent, dansent, s'amusent dans l'indifférence complète au sort des bêtes de somme qui travaillent pour eux.

Au sommet de la pyramide sociale Joh Fredersen (Alfred Abel) est le père de Freder (Gustav Fröhlich) qui découvre par hasard la réalité sociétale et décide de la modifier. Serait-ce lui le Médiateur entre oppresseurs et opprimés que la jeune Maria (Brigitte Helm) annonce aux ouvriers exploités et exaspérés qui se réunissent dans les catacombes de la Cité ? Voilà un assez bizarre salmigondis intellectuel qui emprunte ce qu'il peut au christianisme, y compris les paroles terrifiantes de l'Apocalypse de Saint Jean et l'annonce parallèle de la venue de l'Antechrist et de la grande prostituée de Babylone ?

Ajoutons que se greffe là Rotwang (Rudolf Klein-Rogge), sorte de savant un peu fou et très démiurgique qui, renouvelé de Victor Frankenstein, a entrepris de créer un Être-machine. Comme Joh Fredersen lui a jadis piqué sa femme, mère de Freder, Rotwang ne rêve que de détruire le monde en y semant la révolte, donc la répression.

Bon, j'arrête là mon récit puisque l'histoire n'a vraiment rien d'intéressant. Beaucoup d'acteurs sont affublés des tics expressionnistes du cinéma muet, mais quelques uns détonnent en qualité, notamment la très jolie Brigitte Helm qui danse très dénudée de belles bacchanales et aussi le glaçant homme de main Fritz Rasp. Puis la très grande qualité de la musique additionnelle (de Gottfried Huppertz), la beauté des prises de vue et des décors, le souffle épique qui anime nombre de séquences. Donc une, particulièrement terrifiante : celle où Maria/Brigitte Helm est traquée dans les catacombes, poursuivie par le seul halo de la torche électrique maniée par le savant fou Rotwang.

Fritz Lang savait créer ce genre d'ambiances ; voir, de fait Moonfleet et le binôme hindou. Grand talent bizarre.


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