Je sors de la salle, l'estomac retourné, comme après quelques litres d' une mauvaise bière. Cette femme qui attend sur le bord de l' autoroute, quelque part en Floride…des mains qui ont travaillées des verges, caressées des poitrines vides, des années durant, dans la crasse nocturne, tous phares éteints… ces mains cajolent un flingue. Des rêves de petite fille naïve explosés par les violences quotidiennes, les viols, les désillusions. Un diamant brut égaré dans la boue. Et puis, c'est La rencontre inespéré avec l'amour, quand Lee pense renoncer à cette vie moisie, à ses errances solitaires ; cet amour est incarné par une toute jeune lesbienne angélique. Un amour exigeant ; elle veut de l' aventure, du fric, sortir de son carcan familial bourgeois. Lee lui donne tout, jusqu'à la mort de ses clients, des tarés pédophiles, sadomasochistes, les véritables criminels(?). Pas de morale préchauffée, pas de parti-pris. La grande roue, le "monstre", tourne de plus en plus vite, écrase tout sur son passage. Un film uppercut, portrait implacable d' êtres à la dérive qui se débattent dans la fange pour un peu d'amour, de sentiment, de dignité. Qui est le véritable monstre dans cette sombre histoire, dans ce fait divers qui fait froid dans le dos touche en plein cœur ? Lee, sa naïve et ambiguë protégée, ou la machinerie sociale qui avorte les plus belles histoires, dès qu' elles sortent du sentier battu ???

Dans la lignée de "In cold blood" de Richard Brooks (Scott Wilson un des tueurs de ce film apparaît d'ailleurs en victime de Aileen), le film n'en a pas la portée visionnaire et dénonciatrice, ni même la puissance visuelle, mais la performance de Charlize Theron emporte tout sur son passage. Elle est ahurissante en pute au rabais, moche, crade, à la limite de la clochardisation, transformée en monstre sanguinaire par la saloperie des hommes. On la regarde comme on lit un faits divers : fasciné, écoeuré. C'est un des plus grands numéros d'actrice vus depuis les grandes heures de Gena Rowlands.

Le film lui, se prend un peu trop au sérieux, ne transcende jamais son sujet, mais offre quelques moments saisissants (les meurtres, bien sûr…) Bref, Charlize a bien mérité son Oscar et Patty Jenkins a eu bien de la chance de l'avoir dans son film.

Pourquoi dis-tu que c'est pourri ? Moi, j'ai cogité sur le film pendant 3 jours au moins, et je l'ai vu aux Etats-Unis, donc peut-être que traduit en français, ca vaut pas le coup de le voir ?

Du vrai cinéma, du cinéma vérité, avec des acteurs pris dans leurs rôles. Magnifique de vérité, Charlize Theron comme on ne pouvait imaginer la voir. Christina Ricci la seconde admirablement.

Malgré tout cela, je ne peux mettre 6 à ce film. On sort de là avec des excuses pour ce qui n'est après tout, qu'une tueuse en série. C'est le côté malsain du film. A ne pas mettre devant tous les yeux. C'est tellement facile.

Pas pourri du tout ce film, mais difficile de s'identifier il est vrai à des personnages.

Voyez-vous qui est Charlize Theron ? Une actrice sans aspérité particulière et en même temps une créature somptueuse qui fait de la publicité pour le parfum J'adore de Christian Dior en se dénudant tout au long de la Galerie des glaces au château de Versailles. Une belle, très belle fille, mais comme il y en a tant et tant dans les pages des magazines glamour et dans le cinéma mondial. Et dans Monster, c'est une pauvre fille crasseuse au physique rugueux, traquée de partout, forte et fragile à la fois, prostituée de toute sa vie et de toute sa vie vouée à la veulerie des hommes. C'est étonnant.

Presque par hasard, elle rencontre dans un bar louche Selby (Christina Ricci), gamine lesbienne rejetée par sa famille. Éblouissement mutuel, mais sur une fausse base : Aileen, dans sa vie de chiennerie et de dégoût de soi, rencontre quelqu'un dont elle voudrait être à la fois la mère protectrice, la compagne rassurante et l'amante douce. Selby est une merdeuse irresponsable et capricieuse, égoïste, odieuse, qui attend d'Aileen une vie de plaisir sans contrainte.

Fuite éperdue qui rassemble les deux amantes ; j'ai songé un instant à Mortelle randonnée, à Catherine (Isabelle Adjani) et Betty (Dominique Frot), au périple sanguinaire sur les routes du Midi ; mais non, ce n'est pas ça, parce que, dans le film de Claude Miller Catherine et Betty s'aiment vraiment. Alors que Selby est une sale petite chose peureuse et lâche qui va abandonner Aileen et témoignera même contre elle lors du procès où Aileen sera condamnée à mort.

Et exécutée, en 2002. Elle avait déclaré, au moment de son procès J'ai de la haine qui suinte de tous mes pores… (…) Je suis celle qui déteste le plus fortement la vie humaine et je tuerai de nouveau. Le film n'atteint pas tout à fait cette intensité, mais laisse pourtant un drôle de goût dans la bouche.