Plusieurs films de Francesco Rosi manquent à l'appel de la distribution DVD francophone (Zone 2). Moi qui me plonge régulièrement dans des harangues au sujet de réalisateurs italiens méconnus ou obscurs ayant réalisé quelques bons, voire très bons, voire grands films (tels Pietrangeli, Maselli, Vancini etc, etc) ici je n'ai aucun effort de cette sorte à fournir : car comme dit l'expression, la réputation de Francesco Rosi n'est plus à faire. Pas de problème de status, dans son cas.

Et pourtant, pourtant : des sommets comme Les Hommes contre, L'Affaire Mattei, Cadavres exquis manquent toujours à l'appel. Ce qui est vraiment incroyable.

Et puis il y a aussi ce Moment de la vérité de 1965, sur l'univers de la tauromachie. Là, ce qui est vraiment incroyable, c'est que je n'avais pas encore voté pour une édition DVD en french ! (Criterion, c'est de par chez nous, mais y'a pas un poil de français sur leurs trucs).

Enfin, voilà qui est fait.

Allez, suite à la mort du réalisateur, je relance la quête de ce Rosi rarissime.

Je vous rejoins bien volontiers !

Francesco Rosi a réalisé un film saisissant, dont l'action se situe dans l'Espagne figée des années 60: processions au milieu de foules immenses, par contraste, tableaux pastoraux de l'Andalousie rurale d'alors et le principal, la corrida, sans doute à l'apogée du genre, montrée comme rarement.

Combats entre l'animal et l'homme où ce dernier, non sans risque ni bravoure, semble vouloir prouver sa supériorité au cours d'un cérémonial désespérément cruel? … Histoires de vie et de trépas (avec ici un véritable matador pour l'incarner) où le spectateur est assurément un voyeur, … qui nous ramène à notre propre et pauvre condition? … Au final, quoi que l'on fasse, à celle du taureau, oserais-je, en profane, ajouter?

Il s'agit, en tout cas, d'un document sociologique sidérant et peut-être même de la meilleure oeuvre du cinéaste napolitain.

L'histoire est simple : Miguel qui refuse de vivre la même vie de paysan que celle de son père dans une Andalousie des années 60 aride veut partir à la ville porté par des ambitions réelles, de petits jobs en petits boulots misérables. Un impresario l'ayant repéré va faire de lui un torero de grande réputation… Miguel connaitra le succès, la vie mondaine, les femmes, la célébrité. Pris au piège d'une carrière dans laquelle il joue sa vie à chaque instant il devra y affronter l'angoisse de la mort.

Francesco Rosi que l'on pouvait attendre compte tenu de ses films à thèses, signe avec Le moment de la vérité sur une histoire fort banale une analyse finalement bien profonde de l'Espagne des années Franco. Pas un film contre un quelconque régime finalement. Une analyse de la culture populaire du pays à ce moment là, ethnologique, sociologique mais guère politique. Croire également que le film ne serait qu'un pamphlet anti tauromachie est un peu court. Si je ne suis guère un habitué de ce genre de spectacle, je sais et je comprends que le coté barbare, sauvage de la corrida est le moteur premier de ceux qui l'apprécient. Car oui les litres de sang, la volonté de Rosi d'appuyer sur la couleur rouge… On pourra trouver le film par moment spectaculaire bien que quasi reportage. Les parallèles évidentes entre un cinéaste de culture Italienne et son observation de la culture espagnole, sont à elles seules une raison de voir ce Moment de la vérité qui judicieusement ne prends pas d'a priori ou de jugement quelconque.

Un niveau plus bas on se souviendra que un réalisateur bien franchouillard comme Henri Colpi n'y étais pas allé de main morte avec Heureux qui comme Ulysse qui n'était quand même pas du même acabit.

Des foules en liesses dans les arènes de Madrid ou de Barcelone, d'une photographie magnifique, d'une musique souvent forte, du poids de la religion montrée à travers les processions, le film pourrait paraitre à gros moyens. Il n'en demeure pas moins assez souvent etourdissant et fascinant. C'est avec grande attention que je l'ai découvert hier soir. Un film qu'on ne lâche plus dès que l'on y entre.